"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 8 avril 2012

Une interview de Jean-Claude Larchet sur l’actualité des Pères du désert dans l’édition de Pâques du quotidien La Croix.


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L’édition de Pâques du quotidien La Croixqui paraît ce jour présente une interview deJean-Claude Larchet par Céline Hoyeau intitulée: «  Les Pères du désert, une expérience inégalée de la connaissance de de soi » ( voir ci-après).
Cette interview est proposée dans le cadre d’un dossier sur le monachisme égyptien qui comporte en outre les articles suivants :
Les coptes:  dates et chiffres
La renaissance du monachisme égyptien(Céline Hoyeau)
À la découverte des monastères coptes(Céline Hoyeau)
Les coptes d’Égypte dans l’attente et l’incertitude après la mort de Chenouda III (Xavier Maigre)
Ces articles peuvent être consultés en ligne sur le site du quotidien La Croix à la rubrique Religion.

Texte de l'entrevue de la Croix
Jean-Claude Larchet : « Les Pères du désert, une expérience inégalée de la connaissance de soi »
La Croix : Q uelles traces conserve-t-on de la spiritualité des Pères du Désert ?
Jean-Claude Larchet : Ils nous sont connus surtout grâce aux « apophtegmes ». Ce sont de très courts textes, qui rapportent leurs paroles ou leurs actes remarquables. Certains sont extraits des écrits de ces Pères, comme Evagre le Pontique ou Macaire le Grand. Mais beaucoup de Pères ont dispensé seulement un enseignement oral, en prodiguant des conseils à ceux qui venaient les visiter. À partir de la seconde moitié du Ve siècle, on a constitué des florilèges de leurs paroles et des récits de leurs exploits ascétiques.
Quelle est leur particularité ?
Ce sont des enseignements concis mais toujours percutants. Les Pères utilisent des symboles, des images, des paradoxes, qui renforcent leur pouvoir d’expression. Ils sont souvent plein d’humour et d’une grande fraîcheur, remplis de sagesse mais très simples et concrets, proches des sources évangéliques, ce qui les rend accessibles à tous. La plupart du temps, l’apophtegme est la réponse d’un Père à un visiteur qui lui demande « une parole de salut », un conseil essentiel pour sa vie spirituelle. Cette réponse est adaptée au cas particulier du visiteur, mais elle est le plus souvent universalisable.
En quoi sont-ils actuels ?
Paradoxalement, les Pères vivaient dans des conditions très différentes des nôtres : dans le désert, fuyant les contacts, vivant d’eau et de quelques légumes, dormant très peu... Et pourtant, leurs écrits sont aujourd’hui encore très parlants. En s’enfonçant dans la solitude, en se consacrant à l’analyse très fine de leur vie intérieure pour se purifier des passions, ils ont acquis une expérience inégalée dans la connaissance et la maîtrise de soi et ont rejoint le fond de la nature commune aux hommes de tous les temps.
Ce sont de précieux conseillers pour soigner les maladies spirituelles, ce qu’ils appellent les passions. Par exemple, la tristesse et l’acédie, proches de ce que nous nommons aujourd’hui dépression. Les Pères ont analysé en détail les différentes formes de tristesse (celle qui est liée à la frustration des désirs, ou à la colère, ou à l’action des démons, celle aussi qui est sans motif apparent...) et proposent pour chacune le remède adapté.
Vous parlez dans votre livre (1) de la conception thérapeutique du salut chez les Pères.
Cette dimension, très prisée aujourd’hui, est essentielle dans le christianisme... Chez les Pères du Désert, le salut doit être compris non en termes juridiques comme un rachat, mais d’abord comme une guérison. Le salut, c’est cette transformation de l’homme, libéré des limites du monde déchu soumis au péché et à la mort, et devenu dans le Christ une créature nouvelle.
Cela passe par un combat méthodique contre les passions qui nous attachent au monde, et par l’exercice des vertus qui nous unissent à Dieu. C’est le premier sens du mot ascèse : non pas d’abord des pratiques mortifiantes mais un exercice, un effort, un travail sur soi incessant. La vie spirituelle est cette synergie entre l’effort de l’homme et la grâce de Dieu. Dieu ne nous force pas, il a besoin de notre bonne volonté, mais sans sa grâce notre effort serait vain.
Cette lutte contre l’ego ne va-t-elle pas à l’encontre du déploiement de la personnalité que l’on encourage tant aujourd’hui ?
Non, car cet ego qui se nourrit des passions n’est pas notre véritable personnalité, mais notre moi égoïste qui lui fait écran. C’est un trait commun des Pères d’affirmer que le péché et les passions éloignent l’homme de sa nature véritable et l’aliènent. Il s’agit de faire mourir « le vieil homme » dont parle saint Paul, pour faire vivre l’homme nouveau, qui a sa source et son modèle dans le Christ. Ce n’est pas dans l’attachement à soi et à ce monde que la personne humaine s’accomplit mais dans l’amour de Dieu et du prochain. Comme l’a enseigné le Christ et comme nous le montrent les Pères du désert, l’homme doit d’abord se perdre s’il veut se trouver.
(1) Thérapeutique des maladies spirituelles. Une introduction à la tradition ascétique de l’Église orthodoxe, Cerf, 864 p., 58 €.
RECUEILLI PAR CÉLINE HOYEAU

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